Olivier DUHAMEL, Yves MENY

Introduction

Pouvoirs n°19 - Régions - novembre 1981 - p.3

1981 : par les vertus d’une élection et de l’alternance, le problème régional revient en France au premier plan de l’actualité. Cette situation est quelque peu paradoxale, tant il est vrai qu’il y a un abîme entre l’absence de débat récent sur ce sujet (après que des déluges d’éloquence l’ont transformé en lieu commun) et la priorité absolue que le gouvernement Mauroy a accordée aux problèmes de régionalisation et de décentralisation. A vrai dire, l’évolution qui se prépare est dans la ligne d’une logique et corrige une anomalie.

La logique est celle de l’évolution de la Gauche depuis vingt ans. Sa longue traversée du désert lui a permis de se détacher des attitudes et des réactions trop exclusivement inspirées par des situations conjoncturelles (par exemple le refus ou la critique des institutions de la Ve République) et lui a donné le temps de se forger un programme. De ce point de vue, le programme socialiste en matière de décentralisation est significatif des mutations sociologiques qui ont affecté ce parti depuis dix ans. Les sensibilités qui s’y manifestent sont diverses, mais du moins le courant décentralisateur a-t-il conquis une large place au sein d’une formation héritière de traditions jacobines.

L’anomalie était celle d’une France centralisée, exemple unique en Europe d’une concentration formelle du pouvoir entre les mains du gouvernement central. Même si cette centralisation est atténuée par toutes sortes de contrepoids politiques et administratifs, la distribution du pouvoir n’en reste pas moins déterminée par ce trait fondamental. Si la politique régionale annoncée se matérialise, la France prendra une configuration plus conforme à celle de ses partenaires occidentaux.

Précisément, le phénomène régional doit être appréhendé dans une perspective évolutive et comparative. En dépit des traits qui lui sont spécifiques, le régionalisme, la régionalisation en France doivent être confrontés aux expériences étrangères. Elles permettent de mieux saisir les variables qui permettent le succès ou favorisent l’échec des tentatives effectuées au-delà de nos frontières. La tentation du narcissisme comme celle de « l’importation » artificielle doivent être évitées. Mieux comprendre le problème régional en France, confronter l’expérience nationale avec celle des pays voisins, situer le débat au-delà du clivage simpliste jacobins/régionalistes, tels sont les objectifs des contributions de ce numéro.

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