Olivier DUHAMEL, Hugues PORTELLI

Introduction

Pouvoirs n°17 - Le pouvoir dans l'Église - avril 1981 - p.3

« Le Pape, combien de divisions ? », demandait Staline. Une multinationale qui gêne les éventuelles divisions soviétiques en Pologne, pourrait répondre Lech Walesa ou Jean-Paul II. Mais tel n’est pas exactement le problème abordé ici. Le présent volume n’a pas pour objet le pouvoir de l’Eglise, mais le pouvoir dans l’Eglise.

« Moi, je te dis : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne tiendront pas contre elle » (Matthieu XVI, 17). La promesse sera tenue. Et l’Eglise catholique est aujourd’hui l’institution la plus ancienne du monde occidental. Expérience unique de pouvoir, dont il y aurait beaucoup à apprendre, ne serait-ce qu’à partir du fonctionnement plus que millénaire d’une monarchie élective. Tel n’est pourtant pas davantage le thème de ce numéro. Il ne s’agit pas de réécrire une histoire de l’Eglise mais de tenter d’appréhender les problèmes actuels dans cette institution.

Chateaubriand, 1802 : « Rien n’est plus sagement ordonné que ces cercles qui, partant du dernier chantre de village, s’élèvent jusqu’au trône pontifical qu’ils supportent, et qui les couronne » (Génie du christianisme). Qu’en est-il aujourd’hui de cette extrême centralisation combinée à une extrême déconcentration ? Georges Bernanos, 1936 : « Je me demande ce que vous avez dans les veines aujourd’hui, vous autres jeunes prêtres ! De mon temps, on formait des hommes d’Eglise… oui, des hommes d’Eglise, prenez le mot comme vous voudrez, des chefs de paroisse, des maîtres, quoi, des hommes de gouvernement » (Journal d’un curé de campagne). Qu’en est-il aujourd’hui du débat entre intégristes et progressistes ? Comment interprêter les deux événements majeurs du catholicisme au vingtième siècle : le Concile Vatican II (1962-1965) ; l’élection, en 1978, et pour la première fois depuis Adrien VI d’Utrecht (1522), d’un pape non Italien?

Aggiornamento bloqué, selon les uns, redistribution des tâches réussie pour les autres. A chaque étage de la pyramide, l’accent peut être alors mis sur le développement de la collégialité ou sur la permanence d’une structure autoritaire. Il semble cependant que les échelons institutionnels intermédiaires (nationaux ou continentaux) ne soulèvent pas de conflits ouverts, tandis qu’à la base persiste une crise des relations entre clercs et laïcs au sein de la communauté chrétienne. L’opposition entre une Eglise apostolique, nécessairement structurée dans l’obéissance à un seul chef, et une communauté populaire, autogérant sa foi dans le monde, cette opposition prend certes des formes spécifiques, qu’induit la religion catholique, mais elle recouvre aussi la première des controverses politiques.

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