Élisabeth LULIN

Réformer l’État: avec, sans ou contre ses serviteurs?

Pouvoirs n°117 - Serviteurs de l'État - avril 2006 - p.55-70

Réformer l’État, si l’on veut un changement réel et durable des structures
et des comportements influant sur les coûts et la qualité du service public,
n’est possible qu’avec l’adhésion des fonctionnaires. Pourtant peu nombreux
sont les exemples réussis d’association des fonctionnaires à la réforme.
Nous avançons trois hypothèses pour expliquer ce paradoxe. D’une part, la
fragmentation extrême du terrain administratif français entre de multiples
corps de fonctionnaires et d’innombrables démembrements de l’État oblige
le réformateur à composer avec des intérêts très dispersés et d’autant plus
âprement défendus qu’ils sont institutionnalisés ; d’autre part, la pratique
actuelle du dialogue avec les agents – ou de ce qui en tient lieu – est un rituel
hyper-centralisé, dominé par le face-à-face avec les syndicats et donc fort
politisé, au lieu du dialogue décentralisé, passant par une mobilisation des
divers échelons d’encadrement, que l’on voit ailleurs ; enfin, la négociation
sur la réforme intervient dans un vide, non sur le terreau d’un dialogue
managérial au quotidien, et ce faisant cristallise toutes les aspirations et frustrations
au lieu de débattre de manière dépassionnée des projets de changement
proposés.

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