Georges DUPUIS

Vingt ans après : la Ve République

Pouvoirs n°04 - La Ve République - janvier 1978 (décembre 1982) - p.5

Apres avoir erré de constitution en constitution, la France les célèbre ! 1975 : l’Université de Rennes fête le centenaire de la fondation de la IIIe République. 1976 : à Nice, les politistes s’interrogent sur l’échec des constituants de la Libération. 1978 : tout naturellement POUVOIRS présente un bilan du régime né vingt ans plus tôt.

Ce qui suit ne prétend pas à l’exhaustivité. Certains critiques regretteront que ne soient pas présentées les « politiques » conduites dans les grands secteurs de l’activité nationale (depuis les Affaires étrangères jusqu’à l’Aménagement du territoire) ; mais telle n’est pas la vocation de cette revue d’analyse constitutionnelle. A dire vrai, plus surprenante est l’absence de toute étude consacrée directement au général de Gaulle. « Le peuple ne lit pas les lois, il lit les hommes ; et c’est dans ce code vivant qu’il s’instruit », écrivait en 1820 Chateaubriand : c’est bien ce que nous avons voulu faire aussi mais le passé n’est pour tous ceux qui ont écrit ce volume que le soubassement solide d’une recherche sur ce que sera l’avenir. Or le fondateur de la Ve République n’est plus et le premier des problèmes posés aux institutions qu’il a créées est précisément d’arriver à fonctionner sans lui. « Il ne voulait pas être continue », affirme Romain Gary, et, de toute manière, pourrait-il l’être ? « Il y eut un moment de l’histoire, note le romancier, une rencontre, comme il y en a parfois dans l’histoire de tous les pays, un souffle qui est passé sur le pays français. Maintenant c’est fini… »

Reste à savoir si se ferme lentement et douloureusement une parenthèse ou si la monarchie républicaine a su jeter des « assises de granit » comparables à celles dont le Consulat fit les fondations de la France moderne, pour reprendre l’analyse d’un Louis Madelin.

Contrairement à ce que d’aucuns prévoyaient, la Constitution a bénéficié grâce au Conseil constitutionnel d’une sorte de promotion (aux dépens de la loi). Il est d’ailleurs passablement paradoxal qu’une telle ait été accomplie par un régime né d’un coup d’Etat et consolidé par le référendum évidemment inconstitutionnel de 1962.

Quant aux structures gouvernementales, elles ont ainsi acquis un Chef qui n’est pas « l’arbitre » des textes et qui ne saurait être le « guide » que fut de Gaulle. Que lui reste-t-il ? Le « pouvoir d’empêcher » un Premier ministre en désaccord avec lui d’accomplir sa mission, fût-ce avec l’appui d’une majorité à l’Assemblée nationale ? Monsieur Veto est revenu, clament les adversaires du système…

Mais nul ne le sait. La Constitution de 1958 est assez courte et suffisamment obscure pour avoir permis de surmonter de graves crises une tragédie même, celle de l’Algérie. Venu le temps moins glorieux des problèmes, elle survivra peut-être et s’adaptera alors à de nouvelles forces et à des circonstances imprévues et imprévisibles.

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