Philippe ARDANT, André MIROIR

Introduction

Pouvoirs n°54 - La Belgique - septembre 1990 - p.3

Pays en partie francophone, la Belgique a partagé à diverses reprises la destinée de la France. Pourtant, elle y est moins bien connue qu’aux Etats-Unis ou en Angleterre. Le contraste entre l’abondance de la littérature scientifique anglo-saxonne et la pauvreté des travaux publiés sur ce sujet par des chercheurs français est tout à fait frappant. Or, l’étude des solutions et des compromis expérimentés en Belgique s’avère souvent d’un grand intérêt au point de vue de la science politique. Henri Charriaut l’avait bien compris lorsqu’il publia chez Flammarion en 1910 La Belgique moderne, terre d’expériences. Le présent numéro comble donc une lacune.

La Belgique est généralement connue à l’étranger par la fréquence et la durée des crises gouvernementales – au point que Maurice Duverger n’hésite pas à la ranger dans L’Europe de l’impuissance – et l’âpreté des conflits communautaires. Sans être inexactes, ces constatations doivent être fortement nuancées.

L’adaptation progressive au changement d’une constitution datant de Louis-Philippe montre en effet que l’absence de parti majoritaire et d’alternance n’implique pas nécessairement l’indécision et que le conflit ne conduit pas à la « libanisation ». Le système belge représente au contraire un exemple de démocratie de concordance, au sens où l’entendait Lijphart. Un tel système puise ses origines dans le recoupement de trois clivages fondamentaux : clérical/anticlérical, francophone/néerlandophone, possédants/travailleurs, générateurs du multipartisme et plus encore d’un pluralisme caractérisé par la coexistence et le cloisonnement de « mondes » parallèles.

C’est l’ensemble de ces facteurs qui singularise le « cas belge » et qui lui confère tant d’intérêt au point de vue de la science politique.

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