Olivier DUHAMEL

Les interprétations de mai 1968

Pouvoirs n°39 - Mai 68 - novembre 1986 - p.3

« C’était quoi, Mai 68 ? » Ce numéro a d’abord pour ambition de confronter les réponses à cette question, posée maintes et maintes fois par les étudiants d’aujourd’hui, alors à peine nés. Ainsi n’y raconte-t-on pas les événements, préférant partir à la recherche de leur sens. Ainsi s’est-on soucié avant tout de la France, même si la vague fut multinationale, pour évoquer ce que l’on connaît, et parce que le mouvement étudiant a été accompagné d’une crise de la société sans équivalent ailleurs.

Ces réductions délibérément opérées nous simplifiaient un peu la tâche. On la compliqua donc en décidant de commencer par un colloque, organisé les 13 et 14 mai 1986 à Lyon par Evelyne Pisier pour le Centre des Conceptions politiques classiques et modernes de l’Université de Paris I, Luc Ferry pour l’Institut d’Etudes politiques de l’Université de Lyon II et la revue Pouvoirs. Mais comment se faire l’écho fidèle d’un colloque en cent cinquante pages ? La voie traditionnelle des actes était exclue. Nous avions d’emblée renoncé à publier tout ce qui fut dit, ce qui nous permit de donner la parole à quelques-uns qui ne l’avaient pas prise.

Ces choix furent dictés par le seul souci de la confrontation la plus large des points de vue, fût-ce à notre détriment comme le lecteur pourra le constater. Les hasards des défections avaient pu donner l’impression que l’interprétation de tel courant sociologique était sacrifiée. Aussi avons-nous sollicité un article qui en rendrait compte. En résulte un texte « à contre-courant », qui dénonce les intentions supposées du colloque et du présent numéro. Les contraintes de l’espace et du temps disponibles offrent ainsi à un auteur le privilège d’une critique sans réplique.

Nous avons pourtant choisi d’évoquer les interprétations immédiates de l’événement, mais de ne pas s’y tenir, d’où la place accordée aux années 80. Nous avons retenu comme fil directeur les interprétations de Mai 68, tout en traitant les questions posées par l’idée même d’interprétation, ce que fait le premier article.

Quoi qu’il en soit, l’entrelacs des désaccords politiques, divergences d’interprétation et affrontements de disciplines éclaire la signification de Mai 68. A cette fin, nous avons voulu confronter les interprétations des « savants » avec celles des « acteurs ». Et pour conclure sur des excuses, plutôt que de les adresser à tel courant ou tel groupe qui aurait pu espérer une reconnaissance plus explicite, on se tournera vers les historiens, délaissés par le principe directeur de ce numéro. Si ces mois de travail pour le réaliser ont confirmé une chose, c’est l’urgence d’un autre colloque, d’une autre publication sur « les événements de Mai 68 ».

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